9h00 : Départ de l’avion ! Il fait -16°c degré lorsque nous atteignons enfin l’altitude de 1800 mètres et déjà cette destination me fait peur ! Tomberons nous sur des caribous à notre débarquement ? Croiserons nous un groupe de baleines au large des côtes canadiennes ? Charlebois chantera-t-il : « Ils sont revenus à Montréal ! » pour nous accueillir à l’aéroport ? Autant de questions qui font grandir ce mystère : mais c’est quoi ce bled ?
9h38 : L’écran dans l’avion indique une altitude de 9800m, une température de -48°C et une vitesse de 783km/h , déjà une sensation de froid imprègne mon corps enivré par ce voyage. Je revois mon frère nous déposant à l’aéroport et me rappelle toutes ces fois où, déposant moi-même famille et amis au dépose minute, je languissais silencieusement ces plaisirs touristiques. L’impression que les voyageurs quittaient notre continuum espace temps pour rejoindre un pays où les jours s’écoulent comme des secondes. Les voilà revenus alors qu’ils sont à peine partis ! Et pourtant ils ont une foule de souvenirs à raconter, comme si pour eux c’était l’effet inverse : les secondes se sont écoulées comme des jours…
« 1 kiwi jaune égale trois oranges » me susurre Agnès dans le coin de mon oreille, me sortant ainsi de ma torpeur enivrante. Je remarque qu’autour de moi les gens s’affairent à leurs petits rituels de voyage : écouteurs dans les oreilles, surlignage au stabilo du parcours, promenade dans l’allée pour rejoindre les wc, tiens d’ailleurs ça fait au moins 12 minutes que ma femme et ma fille ne sont pas allées aux toilettes, épatant !
Concernant l’avion, bof bof ! Je m’attendais à un gabarit plus gros, avec des écrans individuels, limite avec un étage ! Et bien non ! Trois rangées de trois sièges bondent cet A-310 limité en technologie par un écran central et une prise jack dont le casque est vendu dans le kit confort à 9 dollars canadien… j’attendrai de le gagner à la prochaine épreuve par équipe. Comble de l’infamie j’ai à peine plus de place pour mes genoux que chez Vueling made in Espagne, snif ! Le voyage sera long… heureusement qu’on a chargé la tablette et l’ordi.
10h18 : Veronica Mars à l’écran, j’ai tenu cinq minutes ! C’est trop gnangnan pour moi ! Autant replonger dans mes pérégrinations intellectuelles un morceau de Brassens en Jazz dans les oreilles. Ce qui est vraiment top avec le Canada c’est la langue ! Punaise enfin un pays où je vais pouvoir m’en donner à cœur joie sur les conversations avec l’habitant en mode Fréderic Lopez dans « Rendez-vous en terre inconnue ». Hum Nina Simon pour un morceau célèbre « my baby just care for me » !
J’en oublierai presque le bruit incessant des moteurs et de la clim. Emy est calée au fond de son siège après avoir torché en deux temps trois mouvements le petit livret à dessin remis à chaque enfant voyageant chez Air Transat. Agnès commente dans sa tête de femme les multiples infos inutiles qu’elle peut capter dans son nouveau magazine, entre les trois cent milles pages de publicité qui le composent : ouah une nouvelle recette de thon sur ananas givré parsemé de parmesan sans fromage et de chips de navets séchés au soleil de Saint Nazaire allégé en sel, poivre, glucide et à peu près tout ce qui constitue normalement un véritable repas. Vivement une bonne poutine des familles !
5h18 : Rooo merde mais qu’est ce qui s’est passé ! On est entré dans un vortex qui déforme l’espace temps ??? Ah non j’ai juste paramétré l’ordi sur l’heure de Montréal. Ça fait mal tout d’un coup ! On arrive seulement dans 6 heures. Moi qui pensais qu’on avait déjà fait la moitié du chemin. Je crois que mon genou à bientôt achever sa fusion avec l’armature en aluminium qui encadre le fauteuil de mon voisin d’en face. Mes coudes s’évertuent à rester pliés à 140° me permettant ainsi de conserver un galbe du haut de mon corps le plus optimal possible dans mon espace vital. J’éprouve la soudaine envie de chanter : j’écoutais le disc-jockey, dans la voiture qui me trainait, sur la route de Memphis…sur la route de Memphis…pour une fois les flics ont gagné, vers chez toi je ne fais que passer sur la route de Memphis… J’espère que notre cellule sera un peu plus grande que ce cagibis volant. Je tente désespérément de récupérer les plans qui me permettront de sortir de ce pénitencier. Emy attaque le recto de mon bras avec son feutre violet, bonne idée ! Les hôtesses ne penseront jamais à regarder sous mes manches pour voir si je possède les plans de ma prochaine évasion.
Agnès dort depuis maintenant 6H30, elle pourrait bien établir un nouveau record. Je vous rappelle que son précédent titre lui a été attribué après son voyage en corse où elle a tenu en position fœtal pendant plus de 64 heures ! Affaire à suivre…
9h35 (heure Québec) : j’ai l’impression que ça fait une semaine que je suis dans cet avion ! Le temps défile à l’allure d’une limace au galop. Et pourtant nous avons essuyé une sieste de plus de 2h, Emy compris ! Mais au réveil, à part mon transit qui a bien avancé et la circulation qui s’est amplifiée aux abords des toilettes, je constate qu’il nous reste encore du chemin à parcourir, et là je ne peux m’empêcher de penser à Christophe Colomb, Magellan ou encore Vasco de Gama ! Il fallait être moine ou bouddhiste pour voyager aussi longtemps avec en prime la houle, les tempêtes, les mutineries et sans une femme à bord qui plus est ! Heureusement Dieu a crée le rhum, mais Air Transat l’a banni de ses avions ! En tout cas en version non payante. Je pense définitivement attendre l’invention de la téléportation pour voyager en Australie.
Plus nous progressons et plus les moutons viennent charger le ciel d’en bas…
9h50 : Terre ! Terre en vue, le commandant à bord de son tomawoc 340 nous informe que la descente est amorcée et que nous arriverons aux alentours de 10h20 soit 20 minutes de moins que prévu ! Libéré, délivré, je ne mentirai plus jamais… Mes pieds qui ont désormais pris corps avec le tapis bleu nuit qui jonche le sol de l’avion, se réjouissent d’avance de pouvoir à nouveau sentir la terre ferme ! Tabernacle ! Charlebois seras-tu là pour nous accueillir ?
10h20 : comme l’avait annoncé le commandant de bord, nous sommes en avance de 20 minutes sur l’heure d’arrivée prévue, ils sont forts ces canadiens. Le temps de sortir assez rapidement de l’avion de faire un bon petit tour via la pause pipi et hop nous voici dans cet immense aéroport vide ! Oui oui complètement vide ! On se croirait dans le film « Minuit 2 » avec les langoliers qui arrivent au loin. Nous nous rangeons tous calmement dans la file d’attente pour la douane. C’est une ambiance assez particulière la douane, tu n’as pourtant rien a te reprocher mais tu ressens comme une petite pression à l’instar des jours d’examen : saurais-je répondre à toutes les questions, vais-je tenter la blague de dire que j’ai des explosifs à déclarer ? Est-ce que le tampon sur mon passeport sera assez lisible ? Bref, plein de question qui laissent planer un suspens dans ce hall.
Résultat de la douane : Agnès a dû jeter ses deux kilos de pommes qu’elle avait dans son sac à dos car interdit d’importation au Canada ! Épatant, mais comme dirait la pub : « et c’est pas fini ! ».
Récupération des valises qui mettent du temps à arriver, ensuite direction la sortie pour se faire arrêter avant par un douanier :
« Bonjour, vous venez au Canada pour quelle raison ? »
« Pour le tourisme »
« Vous avez des connaissances, de la famille ? »
« Quelques amis, on verra en fonction de notre voyage si on a le temps de les rencontrer »
« Vous leur apporter des choses, de la nourriture… ? »
« Non, en plus on a jeté nos pommes à la douane »
« Bien, suivez moi ! »
Alors nous voici dans une petite salle à vider nos valises. Heureusement, Agnès a eu le temps de préciser que nous avions également des gâteaux et des saucissons dans les valises, je dis heureusement car sinon le douanier nous informe que nous aurions reçu une amende de 800$ !!! Rien que ça pour deux saucissons ?
Eh bien le copain de Yili n’aura pas le plaisir de remanger un bon saucisson français, c’est naze.
Une fois cette péripétie passée, nous retrouvons Yili à l’entrée de l’aéroport. Une jeune femme au grand sourire et adorable avec nous. Notre histoire à la douane à dû la perturber car nous nous sommes un peu perdu en allant chez elle.
Première impression en circulant dans les rues de ce quartier de Montréal appelé Lachine (car les premiers explorateurs pensaient avoir trouvé un passage pour aller en Chine en navigant le long du lac) c’est que Montréal ne peut nier l’influence Américaine ! De larges allées, des avenues portant des numéros, de grandes maisons entourées d’un jardin sans haie ni clôture. Par contre ils auraient bien besoin de l’influence portugaise pour construire de belles routes sans nid de poule, sans craquelure de partout… bref.
Nous décidons de nous balader le long du lac. Le temps est étrange : pluie fine mêlée de soleil mais sans aucun arc-en-ciel ! Vous me direz, de la pluie et du soleil sans arc-en-ciel ça ne sert à rien. Malgré notre déjeuner dans l’avion nous éprouvons le besoin de nous restaurer, enfin c’est surtout Yili et Axel qui ont faim car eux ne sont pas décalés de 7h dans leur organisme, mais je vous rassure Emy non plus, elle mangerait en non stop elle.
Alex et Yili ont la gentillesse de nous inviter à manger dans un petit restau en terrasse avec spécialité italienne. Ça sera une escalope milanaise pour moi, des moules à la crème pour Agnès et des spaghettis bolognaises pour Emy. Le service est digne des grands restau, un homme nous rempli nos verres d’eau dès que l’on a fini et nous demande si tout va bien toutes les 10 minutes, sont sympa ces canadiens. Première info à prendre en compte pour plus tard : ne jamais oublier de prendre en compte le pourboire en plus de l’addition, compter 15%.
De retour à la maison, et juste le temps de se poser quelques minutes sur le canapé, et nous voilà reparti cette fois en voiture direction le centre ville de Montréal.
Montréal : Une ville où règne encore une fois l’influence indéniable des Etats-Unis : de grands buildings aux couleurs du béton et des petites maisons au mur de pierre rappelant le style normand, voir alsacien dans certains quartiers. Notre œil curieux de touriste ne peut s’empêcher d’analyser toutes les informations afin de retrouver des repères qui lui sont familiers. Du quartier chinois qui fait penser au treizième arrondissement, au musée des arts et des sciences en bord de l’eau qui rappelle La Villette, en passant par le quartier d’affaire qui prônent de hautes tours qui ne sont pas sans rappeler le quartier de la Défense. Les quartiers défilent avec leurs particularités, leurs cultures, leurs architectures mais nos jambes cèdent un tantinet sous la fatigue, faut dire qu’ici il est 18h mais en France et dans notre organisme il est 1h du mat’ ! Alors il pas étonnant de voir Emy amorphe tendant les bras pour qu’on la porte, même moi j’ai la tête en sky comme si je venais de faire une nuit blanche. Argent échangé avec 40$ de commissions, diner acheté (enfin 5° repas pour nous, on se croirait en colo) à Saint-Hubert, non non ce n’est pas du beurre, c’est une chaine de restaurant du genre KFC, et nous voici en route pour la maison. Après avoir mangé dans la voiture, une petite douche et hop Emy écrase dans son lit littéralement.
Le temps pour nous de faire un point sur l’itinéraire de notre voyage, de réserver le taxi et nous rejoignons le pays des songes vers 21h30 soit 4h30 du mat’ heure parisienne, quelle belle journée : 23h30, presque un tour du cadran, ça cale.